L'atlantide est dans le hall d'entrée ( et la concierge dans l'escalier).
Les grands immeubles d'habitation me fascinent.
Comment faire cohabiter harmonieusement la foule qui peuple nos grandes villles?
Depuis Franck Lloyd Wright, les architectes imaginent des complexes immobiliers sous la forme de projets utopiques qui deviennent régulièrement la réalité de la génération suivante. Il s'agit toujours de contribuer à l'invention idéale d'un continent humain vertical - un gigantesque vaisseau immobile au sein duquel la masse grouillante des réseaux urbains trouvent refuge et repos. Particulièrement, comment se conçoit le hall d'entrée - ce lieu de passage obligé pour tous les habitants de l'immeuble, à l'aller comme au retour? Et comment répondre aux questions posées par la nécessaire dimension de partage liée à cet endroit vers lequel tout converge en un vertigineux chassé-croisé: l'intérieur et l'extérieur, les uns et les autres, le groupe et l'individu, etc.
Comment faire cohabiter harmonieusement la foule qui peuple nos grandes villles?
Depuis Franck Lloyd Wright, les architectes imaginent des complexes immobiliers sous la forme de projets utopiques qui deviennent régulièrement la réalité de la génération suivante. Il s'agit toujours de contribuer à l'invention idéale d'un continent humain vertical - un gigantesque vaisseau immobile au sein duquel la masse grouillante des réseaux urbains trouvent refuge et repos. Particulièrement, comment se conçoit le hall d'entrée - ce lieu de passage obligé pour tous les habitants de l'immeuble, à l'aller comme au retour? Et comment répondre aux questions posées par la nécessaire dimension de partage liée à cet endroit vers lequel tout converge en un vertigineux chassé-croisé: l'intérieur et l'extérieur, les uns et les autres, le groupe et l'individu, etc.
Il semble que Damien Grenon partage avec moi cet intérêt. Seulement, voilà: il est photographe. Et nous allons donc mesurer la capacité du regard des artistes à troubler le sens commun pour mieux revenir au sujet qui pourtant nous occupe. Avons-nous en effet pénétré dans une galerie d'art ou dans le hall d'un immeuble? La question est légitime dans la mesure où les formes, les couleurs, les matières - sans oublier l'agencement des "objets plastiques" qui s'offrent à notre oeil -, participent manifestement d'une recherche esthétique appuyée. Nous sommes ici dans l'atelier de Brancusi, là face aux papiers découpés d'Henri Matisse, puis dans l'univers optique du peintre Victor Vasarely, ou encore devant des surfaces et volumes évoquant le Minimalisme américain d'un Donald Judd!
Surtout, outre un flair exquis pour dénicher ce genre d'espaces, la prise de vue choisie par Damien Grenon accentue cette ambiguïté: cadrage isolant les formes pour elles-mêmes, mais traversé d'obliques dynamisant les différents éléments en groupe solidaire.
Si l'on a affaire ici au résultat d'une prise de position affirmée par les architectes sur le plan du design intérieur (des artistes étaient du reste appelés à collaborer avec eux sur le décor), le photographe a cependant l'oeil pour transformer ces espaces du quotidien partagé en points d'interrogation déplaçant le débat de
l'esthétique vers le sociologique.
En effet, comment ne pas se surprendre à se demander où sont passés tous les habitants: il n'y a personne! Vraiment? Car à y regarder de plus près, chaque individu est bien représenté par sa boîte aux letttres. Ah! Petit caisson magique ayant le pouvoir de nous relier au reste du monde. Elles sont là, regroupées en essaim bourdonnant de courriers - rêvons un peu, outre les factures, plaçons-y des nouvelles d'autres continents (géographiques cette fois) - qui relient les usagers du monde entre eux.
Prenons du recul: le principe du courrier postal est encore sujet d'émerveillement pour qui observe l'organisation des collectivités.
Il suppose en effet une cartographie urbaine (des adresses), l'invention des transports modernes, amis aussi celle de la monnaie (les timbres) et - encore un effort! - celle de l'écriture et du papier...
Alors oui, les gens sont là: nichés dans une sorte de modèle réduit de l'immeuble lui-même. Ces boîtes aux lettres figurent donc les habitants mais également leur habitat, par une métonymie plastique doublée de l'écho stylistique du bâtiment.
Une Atlantide dans l'océan du hall d'entrée!
Enfin, Damien Grenon fait aussi un travail sur la mémoire. Ces halls d'entrée sont en effet typiques des années 1970 qui les ont vus construire; une époque où l'on souhaitait personnaliser ces lieux de passage et favoriser l'échange et la communication entre les résidents d'un immeuble. Pensons aux sièges et aux bassins prévus pour s'asseoir et prendre le temps d'une conversation. Aujourd'hui, un certain fonctionnalisme architectural formate davantage ces zones pour en accentuer l'efficacité mais en les vidant de toute originalié singulière. Adieu fantaisie et démesure! Les photographies deviennent alors le témoignage d'une époque révolue - avons-nous donc perdu le plaisir du savoir-vivre ensemble?
Eric Van Essche